Si RuPaul et les différentes émissions Drag Race à travers le monde ont contribué à populariser les drag-queens, l’Eurovision a également donné à cet univers haut en couleur de belles occasions de plaire au grand public. Incompris ou décrié, l’art du Drag s’inscrit indubitablement dans l’histoire du Concours.
Drag-Queens et communauté LGBT+
Avant d’entamer notre voyage vers le monde des drag-queens à l’Eurovision, il est nécessaire de bien comprendre à quoi il fait référence exactement. Beaucoup d’entre vous sont déjà au fait des définitions qui vont suivre, vous pouvez donc passer directement à la prochaine partie si vous le souhaitez. Pour les autres, nous allons être le plus concis possible, sans développer outre mesure les subtilités. Nous vous invitons toutefois à faire de petites recherches complémentaires si vous souhaitez approfondir le sujet.
Travestis ou transsexuels
Mettons les pieds dans le plat, enfonçons une porte ouverte. Transsexuels et travestis ne sont PAS des synonymes. Une personne transsexuelle est née dans le mauvais genre et opère les transformations qu’elle juge nécessaire pour retrouver sa place. Cela peut passer par des opérations chirurgicales, des prises d’hormones, des changements d’état civil… sans qu’aucune de ces étapes ne soit obligatoire par ailleurs. La transsexualité est une affaire intime, loin de toute représentation artistique.
Une personne travestie ne cherche pas à changer de genre. Il ou elle revêt simplement les apparats du sexe opposé, de manière plus ou moins régulière, principalement pour des évènements festifs, des soirées transformistes, des marches des fiertés… Ou des concours européens de la chanson ! Ainsi, un homme bien dans son genre masculin peut tout à fait se travestir occasionnellement sans entamer une quelconque transformation.
Drag et homosexualité
Autre idée reçue, les travestis seraient obligatoirement des personnes homosexuelles. Une fois de plus, c’est une erreur. Une drag-queen ou un drag-king (oui, oui, cela existe aussi !) peut être homosexuel, bisexuel, hétérosexuel… ou de n’importe quelle autre orientation !
Les drag-queens ne font donc pas nécessairement partie de la communauté LGBT, mais les deux univers sont bien entendu étroitement liés. En remettant en cause et jouant avec les stéréotypes de genre, les drag-queens peuvent se faire porte-paroles des minorités de genre et d’orientation sexuelle.
Ce n’est un secret pour personne. L’Eurovision est l’un des événements les plus LGBT-friendly d’Europe, dans tous les sens du terme. Y ont déjà concouru des personnes de tous les genres, toutes les orientations ET des drag-queens. En rassemblant toutes les cultures nationales, le concours a aussi contribué à faire comprendre et accepter ces notions dans des pays qui y étaient farouchement opposés.
Une fois ces bases posées, partons à la découverte des 4 prestations de drag-queens à l’Eurovision. On utilisera les pronoms masculins pour les artistes et féminins pour leurs personnages.
Sestre, le premier drag-band slovène
Il aura fallu attendre 2002 et la 47ème édition de l’Eurovision pour voir concourir des drag-queens.
Le groupe Sestre, composé de 3 hôtesses de l’air tout de rouge vêtues, connaît la tourmente dès sa sélection pour la finale slovène. Beaucoup pensent alors qu’une telle prestation entachera l’image du pays. Le sujet s’invite au Parlement slovène. Des manifestations éclatent dans les rues. Le Parlement européen lui-même se saisira de la question, estimant la réaction de la population nationale douteuse et problématique pour un pays qui souhaite alors faire partie de l’Union Européenne.
Alors que la lettone Marie N remporte le concours avec I wanna, Sestre et son Samo Ljubezen atteint tout juste la 13e place. Pourtant, le groupe est parvenu à marquer les esprits et est invité dans toute l’Europe pour chanter sa chanson devenue incontournable.
DQ, la Drama Queen danoise
En 2007, ce ne sont pas 1 mais 2 prestations drag qui concourent !
La première, pour le Danemark<, est l’oeuvre de Peter Andersen sous les traits de son personnage DQ. DQ pour drag-queen, peut-être, ou pour Drama Queen qui est aussi le titre de la chanson présentée.
Après avoir passé haut la main les nombreuses étapes du Dansk Melodi Grand Prix qui désigne le représentant danois à l’Eurovision, DQ est officiellement propulsé parmi les participants le 10 février 2007.
Avec une chanson pourtant dans la pure tradition de l’Eurovision, aussi puissante que kitsch, la drag-queen danoise ne passera pas le stade de demi-finales… Personne n’aura accordé à la prestation ni 10 ni 12 points.
Verka Serduchka, une drag-queen sur le podium
Heureusement pour l’édition 2007, une autre drag-queen fait une entrée fracassante !
Verka Serduchka est sans aucun doute la deuxième drag-queen la plus célèbre du Concours. Avec Dancing Lasha Tumbai, Verka n’a pas tout de suite fait l’unanimité, elle non plus. Petite anecdote « amusante » qui fait écho à la Story du Mercredi sur Lordi : un parlementaire ukrainien aurait à l’époque déclaré que les « monstres » finlandais faisaient partie du folklore nationale et ne posaient donc pas de problème, mais que les « personnages hermaphrodites » n’ont jamais été acceptés nulle part et ne devraient pas pouvoir concourir. Merci, monsieur. On se passera bien de votre avis !
Verka offre alors à l’Ukraine une belle deuxième place, juste derrière la Serbie.
Conchita Wurst, la femme à barbe qui a conquis l’Europe
Dernière prestation drag à l’Eurovision, est pas des moindres...
2014. Thomas Neuwirth, en drag-queen autrichienne, foule la scène de l’Eurovision sous les traits de Conchita Wurst, la femme à barbe.
La principale différence avec les prestations précédentes, et c’est probablement ce qui a le plus dérangé, c’est que Conchita Wurst ne se présente pas couverte de plumes et de paillettes, ne chante pas une chanson dansante et amusante… elle ne correspond pas finalement pas à ce que le monde se fait comme idée de ce que DOIT être une drag-queen.
Avec sa belle robe dorée, sa silhouette parfaite et une cascade de cheveux bruns parfaitement brushés, Conchita a probablement dérangé bon nombre de mâles incapables de s’avouer séduits.
La chanson Rise Like a Phoenix en elle-même est une perle. Avec Conchita, c’est l’Europe toute entière qui renaît de ses cendres et se pare des plumes de la tolérance.