Eurovision 2024 : préparer l'après

L’édition 2024 du Concours Eurovision de la Chanson a marqué un véritable tournant pour les Eurofans. Une édition jugée catastrophique qui oblige à se poser la question de l’après.

Pourquoi l’édition 2024 est-elle jugée catastrophique ?

Les Eurofans sortent de cette édition avec une vilaine gueule de bois.

Toute la saga « Israël » a occupé l’attention des Eurofans. Des appels aux boycotts aux pétitions, de la confirmation de participation aux tentatives d’exclusion pour paroles à caractère politique, de l’arrivée sous protection aux accusations de harcèlement… Tout a semblé tourner autour d’Eden Golan cette année.

Le pic d’impopularité de la délégation israélienne est certainement survenu samedi matin, jour de la Grande Finale, lorsque l’on a appris la disqualification de Joost Klein pour les Pays-Bas.

Et pourtant, il semblerait que son histoire ne soit pas liée du tout à la délégation israélienne, contrairement à ce que prétendaient les rumeurs des premières heures.

S’il a eu une altercation en coulisses, c’est en fait avec une photographe suédoise. Du moins, c’est la dernière explication en date. Seulement, il avait eu le jeudi quelques mots malheureux en conférence de presse et aurait été « harcelé » par des membres de la délégation d’Eden Golan… Faut-il penser qu’il était sous pression et que cela aura causé son geste malheureux ? Pire, la délégation israélienne a-t-elle pesé dans la sanction jugée disproportionnée ?

Et à tout cela, on ajoute la présence d’artistes non-binaires qui a dérangé une partie de la communauté Eurofan, des reproches grandissants sur le manque de sérieux du concours et le mauvais traitement des « vraies voix ».

Nous vous conseillons sérieusement de ne pas lire ce qui se dit sur le Concours sur les différents réseaux, c’est déprimant. En tant qu’Eurofans, nous avons l’impression d’être endeuillés depuis le weekend passé, et ce n’est pas normal.

Un coucou à Ségolène Royal qui a tenu à apporter sa petite analyse sur le Concours qu’elle n’a semble-t-il jamais regardé avant. Bien entendu, les tendances en # donnent envie d’y aller de son petit avis sans intérêt de charognard.

Oui, on est en colère.

Comment sélectionner les pays participants ?

C’est le principal point de tension de l’édition 2024.

Pour rappel, face aux vagues de « Mais Israël c’est même pas en Europe ! », nous vous avons préparé un récapitulatif de qui peut ou ne peut pas participer et pourquoi : Pourquoi certains pays ont-ils le droit de participer à l’Eurovision sans être européens ?.

Alors, puisque les pays en question font partie de la Zone Européenne de Radiodiffusion, et qu’ils ont donc parfaitement le droit d’adhérer à l’UER et de se présenter au Concours Eurovision, sur quoi l’organisation peut-elle se baser pour leur en interdire l’accès ?

En 2022, personne ne s’est posé la question ! Les Russes sont du côté des méchants, on ne les accepte pas à nos festivités annuelles, et tout le monde est content. En 2024, le sujet est plus délicat. On se rend compte que, peut-être, il n’est pas toujours aussi évident de désigner les gentils et les méchants.

C’est tout le souci quand on organise un concours « apolitique » qui n’en est pas vraiment un.

L’UER va avoir le plus grand mal à justifier ses choix à l’avenir. L’édition 2025 signera-t-elle le retour de la Russie à l’Eurovision ? On en doute. La disqualification d’Israël ? Tout autant.

On peut donc s’attendre encore à de belles années de polémiques et d’appel au boycott.

Quel système de vote conserver ?

Les systèmes de votes sont remis en cause constamment et amenés à évoluer. Parmi les principales revendications des Eurofans :

  • réintroduction des jurys internationaux en demi-finale,
  • disparition totale des jurys finaux sur la compétition,
  • plus grande part donnée aux télévotes,
  • ouverture plus précoce des standards…

On remarquera que certaines de ces revendications sont contradictoires. Certains sont encore très attachés à la présence du jury, d’autres militent en faveur d’un choix « 100 % public ».

L’édition 2024 aura eu le mérite de démontrer que les télévotes sont les plus susceptibles d’être impactés par la situation géopolitique. Ce sont les télévotes qui ont permis à Kalush de gagner pour l’Ukraine en 2022. Ce sont les télévotes qui auraient pu faire basculer la victoire du côté d’Israël en 2024.

Sur les réseaux, les principales discussions se cristallisaient autour de « voter pour Israël parce que les autres c’est que des méchants antisémites » ou « voter pour Baby Lasagna parce que c’est le seul à pouvoir tirer l’Eurovision des griffes des méchants israéliens ». Très franchement, c’était désespérant. On a remercié très très fort l’existence du jury professionnel. Bien sûr, il se laissera toujours influencé par ses amitiés et inimitiés, mais toujours moins que des millions de personnes persuadées de détenir la vérité.

Ce coup de gueule étant passé… Les durées de vote !

Cette année, les votes pour « le reste du monde » (pays ne participant pas à l’édition) ont été ouverts de manière anticipée à minuit le jour de chaque phase. Enfin, ç’aurait été le cas sans le « souci » Joost Klein qui a retardé l’ouverture des standards pour la Finale.

Aussi, les votes des pays participants ont été ouverts dès le début de la soirée, et ça rebat vraiment les cartes !

Jusqu’ici, il était préférable de passer en seconde partie de soirée, pour ne pas être oublié par les spectateurs au moment du vote. Cette année, il semblerait que passer en première partie de soirée, et même au « dead spot » (la deuxième place) n’est pas un problème. Pire encore, si les spectateurs décident de commencer à voter pendant les prestations, ils se retrouvent sans possibilité de voter en fin de soirée… Et c’est comme ça qu’on perd de précieux points lorsque l’on passe avant-dernier.

Le problème des votes, que ce soit la répartition jury / télévote ou le temps d’ouverture des standards, paraît très difficile à résoudre. Il faut que l’UER se penche sur le sujet et trouve une proposition qui, de toute façon, ne satisfera personne.

UER, superviseur et communication

Pour la première fois, le superviseur adoré Martin Österdahl a été hué à chacune de ses apparitions. C’est principalement en réaction à l’éviction de Joost Klein pour les Pays-Bas que les Eurofans se sont retournés contre le grand manitou suédois. Comble de l’ironie, un sketch avait été préparé pour le soir de la Finale, s’amusant de l’amour porté au cinquantenaire somme toute charmant.

Depuis la semaine dernière, les appels à la démission se font entendre de tous les coins d’Europe.

Plus qu’une remise en question personnelle du superviseur exécutif, qui ne fait qu’exécuter (comme son nom l’indique presque), c’est le fonctionnement de l’UER qui dérange et déçoit.

Cette année plus que jamais, il est évident que l’organisation a oublié que l’Eurovision n’est pas qu’une émission de divertissement. Ce n’est pas un Concours lambda que l’on peut gérer comme un autre. L’Eurovision appartient aux Eurofans, et l’absence de consultation ou de transparence pèse.

La participation d’Israël aurait-elle dû faire objet d’une consultation ? Nous l’ignorons. N’oublions pas non plus, comme l’a d’ailleurs rappelé Martin Österdahl, que « sans revenus commerciaux, il n’y a plus d’Eurovision ». Et cette petite phrase qui paraît ne rien dire a toute son importance. Le principal sponsor de l’Eurovision est Marrocanoil. Entreprise israélienne. Va-t-on s’étendre davantage sur le sujet ?

De là à dire que la décision de disqualifier Joost Klein est en lien avec son apparente hostilité envers la délégation israélienne, il n’y a qu’un pas (que nous refusons de franchir pour le moment).